Monsieur le Ministre,
Seule la santé de toutes et tous doit guider le processus de déconfinement. Il doit, dans la
logique du confinement lui-même, d’abord répondre aux enjeux sanitaires de la propagation du
Covid19 et viser la protection des populations. Aussi, dans la mesure où aucune autorité sanitaire
ne conforte le choix du 11 mai, cette date de déconfinement semble prématurée au vu de
l’évolution de l’épidémie, et ce, quelles que soient les conditions.
Il ne faut donc pas précipiter le déconfinement sous prétexte de vouloir relancer l’économie au
plus vite.
La réouverture des écoles ne pourra donc se faire qu’en respectant une série de conditions clairement identifiées pour ne pas mettre pas en danger l’ensemble de la société. Ce processus de reprise de l’école devra être approuvé par la communauté scientifique et médicale.
Il s’agit d’imposer un niveau de protection optimum des personnels et des élèves pour ne pas créer de potentiels « clusters » scolaires qui relanceraient l’épidémie. Il faut s’appuyer et tirer des leçons de l’exemple des écoles ouvertes pour l’accueil des enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise qui montre que la contamination en leur sein est loin d’être exclue. Le passage à une plus grande échelle de l’accueil des enfants n’est pas sans risque. La réouverture des écoles ne réglera pas le problème des inégalités qui ont été mises en lumière durant le confinement. Le retour à l’école devra monopoliser les personnels spécialisé, médicaux, sociaux pour prendre en compte toutes les difficultés et engager une réflexion pour bâ- tir une école qui permette durablement de lutter contre les inégalités. Par ailleurs, alors qu’il semble inenvisageable d’accueillir tous les élèves en même temps pour des raisons sanitaires, tous les élèves devront néanmoins être accueillis dans les écoles.
La période de retour à l’école ne peut en outre aucunement s’accompagner de pressions sur le programme. Rappelons que, si l’école à la maison n’était pas l’école, l’école sous pandémie ne sera pas davantage l’école.
C’est uniquement si ces conditions sanitaires et pédagogiques sont respectées,
avec l’aval la communauté scientifique et médicale, que les écoles pourraient être ré-
ouvertes.
Nier les conséquences prévisibles d’une réouverture des écoles sans les précautions nécessaires
constituerait une faute grave.
Première liste de conditions pour une « école ouverte » durant la pandémie
1) Les préalables indispensables
Tests de dépistage
Proposer à tous les personnels (enseignant-es, AESH, AED, ATSEM, ...) comme aux élèves la possibilité d’un test de dépistage sérologique pour déterminer qui a été contaminé et qui est susceptible de l’être.
Déterminer un protocole national en cas de contamination d’élèves et/ou de personnels pouvant
conduire à la fermeture de l’école
Équipement et matériel
Mise à disposition de masques en quantité suffisante, de savon, de gel hydro-alcoolique, de serviettes et de mouchoirs jetables
Désinfection avant chaque demi-journée des locaux et du matériel scolaire collectif Réaménagement des classes et des espaces pour respecter les distances barrières.
2) Les élèves
Un retour progressif des élèves en commençant par les plus âgés, ceux de CM2 en élémentaire et
ceux de GS en maternelle, permettra d’analyser les obstacles à une école sous pandémie. Les
élèves de ces deux classes charnières vont quitter une école pour en rejoindre une autre.
Il s’agira de limiter drastiquement le nombre d’élèves accueilli-es dans l’école afin que les règles de
distanciation sociales puissent être respectées dans la classe et dans tous les lieux d’accueil (pré-
aux, cantine, garderie, transports en commun...). La taille de l’école comme le nombre de sanitaires existants, conditionnent le nombre maximum d’élèves accueillis.
En élémentaire un maximum de 10 élèves par classe doit être appliqué. En maternelle, la question
du retour à l’école des enfants se pose. Comment les accueillir, même en petits groupes, tout en
respectant ces mêmes règles ? Les personnels des écoles décideront
en fonction des locaux et du nombre d’adultes présents, un seul adulte en permanence ne pouvant
permettre l’accueil de plus de 5 enfants de 5 ans, de 4 de 4 ans, de 3 de 3ans.
Une attention particulière devra être portée aux conditions d’accueil des élèves en situation de
handicap.
3) Les personnels
Les personnels dit « fragiles » et/ou à risque, pour eux-mêmes ou pour leur entourage familial, ne
pourront être présents au sein des écoles, qu’ils soient enseignants ou non, comme les AESH.
D’autres personnels devront régulièrement garder leurs enfants quand ces derniers ne seront pas
accueillis à l’école. Le nombre de personnels présent dans les écoles fluctuera donc et devra être
anticipé pour organiser l’accueil des élèves. Les psychologues scolaires doivent pouvoir être auprès
des équipes et des élèves avec les RASED et la médecine scolaire notamment pour mettre en place
des espaces de parole car pour certains élèves, le confinement a pu être source d’une grande
souffrance.
4) L’organisation concrète des écoles et des apprentissages
Avant toute reprise, les personnels devront élaborer avec les collectivités locales et l’aide des acteurs de prévention, dont les CHSCT, des modalités précises d’organisation des écoles adaptées à
de jeunes enfants pour tous les moments de la journée en fonction des locaux (sortes de PPMS
locaux). Comment organiser la cantine, les récréations, le transport scolaire, l’accueil des parents,
la garderie, l’échelonnement de l’accueil et de la sortie des élèves… ?
Les collectivités locales devront être aidées par l’Etat pour faire face des besoins importants de
personnel supplémentaire.
Les équipes devront disposer d’un temps, suffisamment long et institutionnalisé, pour travailler à
cette organisation en lien avec les autres personnels de l’école (ATSEM, AESH…).
Dans un premier temps, la réouverture des écoles permettra de reconstruire du lien, de rassurer,
d’écouter les élèves sur leur vécu, de s’assurer de leur santé psychique et physique. Il s’agira
d’abord de renouer avec des situations d’apprentissage, et non pas boucler le programme. Dans
un second temps, les équipes réfléchiront à réajuster les programmes et aux activités pédagogiques des semaines à venir et à en informer les familles.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en notre profond attachement au service
public d’éducation.
Pour le Co-secrétariat
Francette POPINEAU
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Un courrier intersyndical auquel s’est joint la FCPE et des syndicats lycéens a aussi été envoyé le 17 avril.